Alcoolisme: que signifie «boire trop»?
Nous buvons presque tous de l’alcool. Mais pour certains, boire un verre ne rime plus avec plaisir: en Suisse, environ 250 000 personnes sont dépendantes à l’alcool ou présentent un risque élevé de dépendance. À partir de quand la limite est-elle franchie et comment prévenir la dépendance?
Du prosecco pour porter un toast, une bière pour regarder le match, du vin chaud au marché de Noël et une bonne bouteille pour parler, s’amuser et se détendre – les occasions ne manquent pas. Pour beaucoup d’entre nous, l’alcool fait partie de la vie. Son acceptation par la société est donc élevée. Patrick Jola, responsable de la Communication et recherche de fonds de la Croix Bleue, déclare: «L’alcool est fortement ancré dans notre culture. Pour de nombreuses personnes, il n’est donc pas facile de s’en passer. Aux apéritifs, les gens vous regardent bizarrement si vous refusez une petite coupe.»
À partir de quand l’alcool devient-il dangereux?
Et quelle est la quantité à ne pas dépasser? Nous avons posé la question à Arlette Reinmann Rudolf, psychothérapeute et responsable du Conseil à la Croix Bleue de Zurich: «Les femmes ne devraient pas boire plus d’un verre, ce qui correspond à un maximum de 12 grammes d’alcool pur. Les hommes ne devraient pas dépasser deux verres par jour, soit 24 grammes d’alcool pur. Au-delà de cette quantité, la consommation est considérée comme dangereuse.»
Ces seuils ont été fixés par la Commission fédérale pour les problèmes liés à l’alcool sur la base d’études médicales. Mais cela ne veut pas dire qu’une consommation quotidienne soit inoffensive: il faudrait faire une pause au moins deux jours par semaine.
Lors de soirées, on consomme souvent plus que la quantité recommandée. Mais là aussi, il ne faudrait pas dépasser cinq verres chez les hommes et quatre chez les femmes. «Le cerveau s’habitue à l’alcool et à l’agréable sensation qu’il déclenche dans notre système de récompense», explique Arlette Reinmann Rudolf. Selon elle, le problème de la consommation régulière d’alcool est qu’il faut en boire de plus en plus pour obtenir le même effet. Un mécanisme dangereux.
«Aux apéritifs, les gens vous regardent bizarrement si vous refusez une petite coupe.»
Comment savoir qu’on a un problème avec l’alccol?
La frontière est invisible. Outre le cas classique de l’alcoolisme grave, où plus rien ne fonctionne, il existe de nombreux autres types de consommation problématique d’alcool. Par exemple, certains ne boivent pas en semaine, mais replongent régulièrement le week-end, ne se souviennent de rien et se retrouvent dans des situations gênantes. Les signes concrets d’une dépendance sont les suivants:
- Avoir fortement envie de boire et ne pas savoir contrôler sa consommation
- Négliger ses centres d’intérêt
- Ne pas pouvoir se passer d’alcool, même si les effets toxiques sont connus
La psychothérapeute Arlette Reinmann Rudolf se réfère au principe directeur de la Commission fédérale pour les problèmes liés à l’alcool: «La consommation à risque peut être décrite par: trop souvent, en trop grande quantité, au mauvais moment.»
Si quelqu’un émet des inquiétudes sur votre consommation d’alcool, prenez-les au sérieux, car l’obstacle à franchir pour aborder le sujet est élevé, boire de l’alcool étant socialement bien accepté. Chacun devrait se demander pourquoi il boit. Si l’alcool joue un rôle important (par exemple «Je bois pour être plus calme ou pour me détendre en fin de journée»), c’est un autre signe que quelque chose ne va pas.
Sortir de la dépendance: thérapie et rechute
Autrefois, on reprochait aux personnes qui ne parvenaient pas à se contrôler de ne pas savoir faire preuve de volonté. Aujourd’hui, nous savons que la dépendance à l’alcool est une maladie qui accompagne quelqu’un tout au long de sa vie. «La dépendance est une interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux qui doivent tous être pris en compte», déclare Arlette Reinmann Rudolf. C’est pourquoi il est recommandé de demander conseil et de suivre une thérapie. «En règle générale, dans le cas d’une dépendance grave et durable à l’alcool, cela implique un sevrage en milieu hospitalier et une thérapie ultérieure avec un suivi ambulatoire. Les groupes d’entraide sont également utiles lorsqu’il s’agit de rester sobre.»
Le risque de rechute est élevé: «Selon les estimations et les études, le taux est de 70 à 90%. Sortir de la dépendance s’apparente davantage à un marathon qu’à un sprint», déclare la responsable du Conseil de la Croix-Bleue, ajoutant que le pronostic est meilleur pour les personnes qui recherchent de l’aide.
«Toute forme d’alcool peut déclencher une rechute, dans les pralines à la liqueur et les plats cuisinés aussi.»
Plus jamais d’alcool?
Les alcooliques n’ont-ils donc plus jamais le droit de trinquer avec leurs amis ou de savourer une praline à la liqueur? Il ne vaut mieux pas: ils sont nombreux à dire que l’odeur de l’alcool déclenche des souvenirs et l’envie de boire. Attention: même utilisé en sauce et donc cuit, l’alcool ne disparaît pas complètement. «Toute forme d’alcool peut déclencher une rechute», prévient Arlette Reinmann Rudolf. On ne peut donc pas en guérir. «Beaucoup aimeraient pouvoir contrôler leur consommation, mais ils n’y arrivent que rarement. Si les rechutes persistent, il vaut mieux s’abstenir sur une période plus longue. Les personnes qui ont pris ce chemin affirment qu’elles se sentent mieux et décident de s’abstenir complètement.»
Prévention: les bons outils
Il est préférable de sensibiliser, d’éduquer, d’inciter à pratiquer des activités intéressantes et à nouer les bons contacts avant même qu’un problème de dépendance n’apparaisse (voir encadré) – surtout à l’adolescence, lorsque les jeunes font leurs premières expériences avec l’alcool. Pour la psychothérapeute, cela ne fait pas l’ombre d’un doute: «Une bonne prévention à un jeune âge a prouvé son efficacité», ajoutant qu’il serait préférable que l’alcool ne soit pas disponible à tout moment et en tout lieu. C’est pourquoi la Croix Bleue effectue régulièrement des achats-tests pour s’assurer que l’alcool n’est pas vendu aux mineurs.
La Fondation Sanitas s’engage en faveur d’une consommation modérée d’alcool
«Les substances addictives constituent un risque omniprésent et nécessitent un travail de prévention actif», affirme Andrea Gerfin, Project manager à la Fondation Sanitas. «Concernant l’alcool, il est particulièrement important que les jeunes apprennent à maîtriser leur consommation. Ils doivent apprendre que boire n’est pas la solution pour faire face aux difficultés.» La fondation soutient des projets à but non lucratif dans le domaine de la promotion de la santé et de la prévention qui se basent sur les applis numériques pour toucher le plus grand nombre de personnes. Quelques idées de prévention en matière d’alcool: