Infarctus du myocarde chez la femme
Le cœur des femmes fait tic-tac différemment – du moins physiologiquement. Jusqu'à la ménopause, les infarctus sont moins fréquents, mais plus mortels que chez les hommes.
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Un élancement dans la poitrine, une douleur irradiant dans le bras gauche: voilà les symptômes typiques d’un infarctus du myocarde chez un homme. En revanche, on connaît moins bien les effets d'un infarctus chez le sexe féminin. «Les maladies cardiaques touchent autant les femmes que les hommes. Les infarctus du myocarde sont même leur principale cause de mortalité sous nos latitudes, et non pas - comme on pourrait le croire - le cancer du sein", explique la cardiologue Belinda Nazan Walpoth, qui dirige la consultation spécialisée "Femme et cœur" à l'Hôpital de l'Île à Berne.
Elle remarque que les femmes pensent très rarement qu'il est possible d'être malade du cœur. Même dans l'esprit de certains collègues médecins, cela n'est pas encore arrivé. Le Sanitas Health Forecast 2020 dresse un tableau identique: un quart des hommes sont intéressés par l'amélioration de leur stabilité cardiovasculaire, contre seulement 16 % des femmes.
Elle raconte l’ histoire d’une femme, la cinquantaine, légèrement en surpoids et avec un taux de cholestérol élevé: "Elle s'est présentée chez son médecin généraliste en plein milieu de la saison des rhumes. Elle se plaignait d'être fatiguée, d'avoir mal au ventre et d'être trop épuisée pour lever les bras. Au téléphone, on lui a recommandé de se reposer, car elle n’avait pas de fièvre, et de rappeler si son cas ne s’améliorait pas. Au bout de deux heures, elle s’est présentée au cabinet médical, complètement épuisée. Verdict: elle était en train de faire une crise cardiaque! Elle a été immédiatement envoyée à l’hôpital pour que l’artère coronaire soit débouchée. Je l’ai vue trois mois plus tard dans le cadre d’un contrôle lors duquel elle m’a avoué qu’elle ne s’attendait pas à avoir un infarctus.
Symptômes: quels sont les signes de maladie cardiaque chez les femmes?
Chez les femmes, les signes avant-coureurs sont parfois difficiles à identifier. Or, la première heure est décisive dans les cas graves: «Il faut désobstruer l’artère le plus rapidement possible pour éviter une perte de tissus», affirme la cardiologue.
Lorsque les femmes ressentent les signes «classiques», comme une pression dans la poitrine ou une douleur irradiant le bras gauche, elles ont tendance à minimiser les symptômes ou en font une mauvaise interprétation. La prudence est de mise lorsqu’une femme ressent une fatigue soudaine, souffre de troubles du sommeil, a le souffle court et des problèmes digestifs, ressent un engourdissement dans les bras et/ou des douleurs dans le dos ou les jambes.
Ces signes précurseurs ont l’air insignifiants à première vue, mais peuvent annoncer un infarctus du myocarde des jours ou des semaines à l’avance. Ils sont bien trop souvent attribués à un refroidissement, à des tensions musculaires, à la ménopause ou au stress. Mais qui se rend chez le médecin pour cause de fatigue et de douleurs abdominales? «Les femmes souffrant de douleurs abdominales, d’essoufflement et d’une fatigue inexpliquée doivent se rendre à l’hôpital, notamment si elles ont du diabète ou un syndrome métabolique, comme un taux de cholestérol élevé, un surpoids ou une hypertension», recommande la cardiologue.
Les femmes souffrant d’un infarctus du myocarde se plaignent généralement d’autres douleurs que les hommes:
- Détresse respiratoire
- Nausées inexplicables et vomissements
- Sensation de pression dans la poitrine, le dos ou l’abdomen
- Douleurs à la mâchoire et mal de gorge
- Fatigue
Mais les symptômes «classiques» peuvent également se manifester. La Fondation Suisse de Cardiologie les précise:
- Violente oppression dans la poitrine et douleurs avec sensation de serrement ou de brûlure (durant plus de 15 minutes), souvent liées à des difficultés à respirer et à une forte angoisse
- Parfois Parfois, irradiation des douleurs dans toute la cage thoracique, vers les deux épaules, les bras, la gorge, la mâchoire inférieure et la partie supérieure de l’abdomen
- Symptômes supplémentaires éventuels: teint pâle et blafard, nausées, sensation de faiblesse, poussée de sueur, difficultés à respirer, pouls irrégulierLa douleur est indépendante de l’activité physique et de la respiration et ne disparaît pas suite à la prise d’un médicament à base de nitroglycérine
«Les maladies cardiaques touchent autant les femmes que les hommes.»
Facteurs de risque: qu’est-ce qui rend les femmes malades?
Alors que les hommes sont plus susceptibles d'être victimes d'un infarctus avant l'âge de 50 ans, ce n'est qu'une dizaine d'années plus tard que le risque de maladie cardiovasculaire augmente chez les femmes. Cela explique en partie pourquoi elles en meurent plus souvent alors que le traitement est identique, Le risque d'issue fatale augmente avec l'âge. L’on suppose que les hormones féminines ont une action protectrice sur le plan biologique qui s’estompe après la ménopause.
«Je recommande aux femmes de consulter leur médecin de famille au plus tard au moment de la ménopause afin de dresser un profil de risques (cholestérol? Cholestérol? Glycémie? Tension artérielle? Poids? Nicotine? Anamnèse familiale? Dans l’idéal, il faudrait même faire cette démarche bien plus tôt. Si vous appartenez à un groupe à risque et que vous avez des douleurs, vous devriez vous faire examiner sans tarder par un cardiologue», soutient Belinda Nazan Walpoth.
Hommes et femmes partagent les mêmes facteurs de risques typiques: hypertension artérielle, taux de cholestérol élevé, stress, surpoids, diabète et tabagisme sont dangereux pour tous les cœurs. De nombreux facteurs ont néanmoins des conséquences plus importantes sur l’organisme féminin:
Le risque de souffrir d’une maladie cardiaque est bien plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, le cœur féminin semble réagir plus mal à la fumée de cigarette. Le risque de subir un infarctus du myocarde est 25% plus élevé chez les fumeuses que chez les fumeurs. Si la fumeuse prend en plus la pilule contraceptive, cela augmente en outre la probabilité de formation de caillots sanguins. Par ailleurs, le stress permanent et la dépression impactent davantage le cœur des femmes que celui des hommes. Cela vaut aussi pour une consommation modérée d’alcool.
D’autres facteurs de risque peuvent être typiquement féminins, comme des menstruations exceptionnellement précoces (moins de 10 ans), la manifestation prématurée de la ménopause et des complications dans le cadre d’une grossesse telles qu’une prééclampsie et une éclampsie. La cardiologue ajoute: «Aujourd’hui, de nombreuses femmes jonglent entre la famille et le travail. Nous savons que le stress constitue un facteur de risque important chez elles.»
Prévention et traitement: qu'est-ce qui aide le cœur?
Les classiques d'un mode de vie sain sont également bons pour le cœur: manger équilibré, faire une activité physique régulière, réduire le stress, avoir un poids idéal, renoncer au tabac et à une consommation exagérée d’alcool. Il est également conseillé de faire contrôler régulièrement sa tension artérielle, son taux de cholestérol et de glycémie. "Le conseil le plus important est de s'attaquer aux facteurs de risque de manière préventive. Et ensuite : faire des examens préventifs et - si des médicaments sont nécessaires - les prendre.
Pendant longtemps, les médecins ont traité les femmes comme des hommes fragiles. Mais les femmes réagissent différemment à de nombreux médicaments. Cela est dû d’une part à leur poids, qui est plus léger que celui des hommes, et d’autre part aux caractéristiques particulières de leurs vaisseaux. La médecine des genres nous permet d’orienter la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies cardio-vasculaires sur les aspects typiquement féminins et de sensibiliser le public et les professionnels à cette question», précise Belinda Nazan Walpoth. «Savoir que le cœur des femmes bat autrement et qu’elles ont besoin d’un autre traitement peut sauver des vies.»
- Le cœur a la taille d’un poing. Il pèse environ 250 grammes chez les femmes et 300 grammes chez les hommes.
- Quelque 30 000 personnes en Suisse sont atteintes d’une maladie coronarienne aiguë (infarctus du myocarde et/ou angine de poitrine).
- L’infarctus du myocarde constitue la première cause de mortalité dans le monde.
- Quatre urgences cardiaques sur cinq surviennent en dehors de l’hôpital.
- En moyenne, les personnes touchées par un infarctus du myocarde sont admises à l’hôpital trois heures après l’apparition des symptômes.
- Les femmes souffrent plus souvent d’une insuffisance cardiaque que les hommes. Une fatigue chronique et des chevilles gonflées sont bien souvent mises sur le compte de l’âge. Elles peuvent toutefois être un signe de cette maladie.