«Les trans le savent mieux que toi»
Que signifie «trans»? Comment les proches de personnes trans peuvent-ils les aider au mieux? Et qu’est-ce que les caisses maladie doivent changer? Un entretien avec l’activiste Eneas Pauli.
Eneas, que signifie être trans?
Une personne trans est une personne qui ne parvient pas à s’identifier ou ne peut pas s’identifier complètement au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Trans est également un terme générique regroupant également les binaires et les non-binaires. Les trans binaires sont des hommes et des femmes trans tandis que les trans non-binaires sont tous ceux qui ne s’identifient ni au genre féminin ni au genre masculin.
Par exemple?
Il existe des personnes agenres, qui ne s’identifient à aucun genre ou n’en ont pas. On parle par exemple ici de genre queer ou fluide. Autre chose importante à savoir: le genre n’est pas toujours fixe, il peut varier.
Le genre fluide, qu’est-ce que c’est exactement?
On peut être de genre fluide lorsqu’on se sent un jour plus féminine qu’un autre jour. Ou lorsqu’on ne s’identifie à aucun genre pendant un moment avant de se sentir, à un instant donné, complètement masculin. Une fois que l’on a compris ce concept, on constate que de nombreuses personnes ont un genre fluide.
Qu’est-ce qui n’est pas trans?
Trans ne signifie pas forcément transition. Il est important de faire la différence. Lorsqu’une personne trans fait son coming out, cela ne signifie pas automatiquement qu’elle souhaite changer de nom ou de sexe. Trans signifie simplement: je suis trans; je ne peux pas m’identifier au sexe qui m’a été assigné à ma naissance.
«Pour soutenir au mieux une personne trans, il faut accepter le fait que son coming out lui appartient.»
Comment un proche peut-il soutenir au mieux une personne trans dans le cadre de son coming out?
Le coming out d’une personne trans est quelque chose de très personnel. Il est possible que cette personne n’ait pas besoin d’être soutenue dans sa démarche. Mais le meilleur moyen de l’aider, c’est d’accepter le fait que son coming out lui appartient et qu’il ne concerne pas ses proches. Par la suite, ils peuvent simplement lui demander s’ils peuvent lui apporter leur soutien. Si la personne trans répond non, il faut respecter sa décision. Par ailleurs, les proches devraient rechercher des informations sur le sujet auprès de sources sérieuses et ne pas avoir d’idées préconçues.
C’est-à-dire?
Si la personne dit qu’elle est une femme trans, ne pars pas automatiquement du principe qu’elle veut se laisser pousser les cheveux ou se maquiller. Demande-lui simplement ce dont elle a besoin et ce qu’elle désire; et écoute-la. Les trans le savent mieux que toi. Et si la personne ne souhaite pas faire son coming out en public, il est tout aussi important de respecter sa décision. Continue de l’appeler par son ancien nom et d’utiliser les anciens pronoms, même si la personne trans a déjà trouvé un nouveau nom et de nouveaux pronoms.
«Toutes les personnes trans connaissent la discrimination.»
Pourquoi est-ce important?
Si tu commences à utiliser le nouveau nom d’une personne trans en public, tu fais son coming out sans qu’elle puisse en décider elle-même. Et c’est la pire chose que tu puisses faire à une personne trans. Cette démarche peut la traumatiser, la rendre dépressive ou la mener au suicide. Cela peut vraiment mettre sa vie en danger.
Dans quelle mesure?
Toutes les personnes trans connaissent la discrimination. Certaines davantage que d’autres. Moins on est perçu-e comme une personne trans, plus on est en sécurité. En particulier, les personnes transféminines doivent souvent garder leur sexe d’origine pour pouvoir conserver leur travail et payer leur loyer. Ou pour ne pas subir de violences lorsqu’elles rentrent chez elles. Dire publiquement d’une personne qu’elle est trans peut mettre sa vie en danger et, si on le fait sans son accord, constituer un comportement très intrusif.
Comment les personnes trans peuvent-elles trouver un-e expert-e compétent-e, un-e psychiatre par exemple?
C’est un véritable problème, car on n’en trouve pratiquement pas. La plupart des spécialistes n’ont aucune idée de ce que nous souhaitons ou de ce qui nous préoccupe. Ils discriminent les trans, notamment dans le domaine de la santé mentale. Ils contestent le fait que nous sommes des personnes trans si nous ne remplissons pas toutes les conditions. Et si nous ne sommes pas considérées comme telles, nous ne pouvons pas avoir accès aux hormones, à la chirurgie, etc. Par ailleurs, la caisse maladie ne prend pas en charge les coûts sans cette attestation.
Nous avons donc besoin d’un diagnostic psychologique pour pouvoir entreprendre quelque chose. Récemment encore, les trans ne pouvaient même pas changer leur nom sans un diagnostic de ce genre. Cette situation est complètement absurde: un étranger doit confirmer par écrit que tu es trans pour que tu puisses commencer à vivre ta vie comme tu l’entends et avoir le droit d’être heureux-se. C’est pourquoi les réseaux au sein de la communauté jouent un rôle extrêmement important. Il est utile de se rendre à un checkpoint ou de prendre contact avec le Transgender Network Switzerland.
Qu’est-ce qui devrait changer du côté des caisses maladie?
Les caisses maladie prennent en charge les coûts uniquement pour les transitions effectuées d’une manière bien précise. Si tu veux devenir un homme, tu dois prendre les doses maximales de testostérone, subir une mastectomie, une hystérectomie et entreprendre une reconstruction du pénis. Ou sinon, pourquoi vouloir devenir un homme! Mais si tu souhaites prendre uniquement des petites doses de testostérone (ou d’œstrogènes pour une personne transféminine), la question des coûts se pose. Si l’endocrinologue ne se montre pas conciliant, tu dois payer toi-même le traitement. Cela peut facilement atteindre cent francs par mois. Tout le monde ne peut pas se le permettre. Les mentalités doivent impérativement changer.