Avoir un bébé: du bonheur à la crise du couple?
Les enfants mettent à rude épreuve la vie de couple. Comment ne pas laisser les couches, la lessive et les chérubins prendre le dessus sur la relation amoureuse? Quelques conseils d’une spécialiste en thérapie de couple.
Du sirop à la place du vin, des gazouillis au lieu des conversations sérieuses entre adultes, et cette fatigue chronique qui se transforme peu à peu en épuisement: bien que la plupart des parents considèrent les enfants comme le couronnement de leur amour, passer de la vie de couple à celle de parents n’est pas chose aisée. Pour la grande majorité des couples, la naissance des enfants fragilise la relation amoureuse.
Le bonheur d’avoir un bébé entraîne-t-il forcément une crise dans le couple? À la question de savoir si les enfants sont un poison pour le couple, Felizitas Ambauen, spécialiste en thérapie de couple, répond en riant: «Certainement pas, mais ils peuvent être l’étincelle qui met le feu aux poudres! Ils exacerbent les dynamiques du couple que l’on parvenait mieux à maîtriser avant leur naissance.»
Il est toutefois important de relativiser et de se rendre compte qu’avec les jeunes enfants, les prochaines années seront un peu plus difficiles, la relation dans le couple sera moins épanouie et plus ennuyeuse. «C’est une traversée du désert que l’on doit accepter et endurer – jusqu’à un certain point.» Pour se préparer à cette période délicate, elle conseille les couples de la manière suivante: «Parlez de vos problèmes le plus rapidement possible et tentez d’en éliminer la source. Demandez-vous où et quand les disputes apparaissent au quotidien. Dans quelles circonstances votre conjoint vous fait-il enrager – et comment désamorce-t-il la situation? Après une naissance, le stress augmente, entraînant avec lui des conflits plus fréquents.» Une meilleure compréhension mutuelle au niveau du couple
Renforcer la relation
Pour la thérapeute, il est important que les couples s’adressent à elle suffisamment tôt. Elle propose, avec son mari, des cours dits de couple. Ces ateliers sont destinés aux personnes désireuses de travailler sur leur relation et dont le couple n’est pas encore confronté à une crise aiguë. «Nous donnons des conseils et des astuces pour le quotidien, sans blâmer qui que ce soit. Nous montrons aux couples qu’ils ont construit quelque chose de précieux qu’ils peuvent consolider.» Il s’agit en l’occurrence d’appliquer le credo de la «psychologie positive», qui met en valeur l’individu et ses aspects positifs. Il s’agit de savoir comment une relation peut fonctionner encore mieux. Ou encore, comment trouver par soi-même un sentiment de bonheur et d’accomplissement.
La communication avant tout
Mais qu’est-ce qui manque aux amoureux, alors qu’ils sont en train de vivre une étape passionnante dans leur vie de parents? «Il leur manque la force de s’ouvrir à l’autre et de l’écouter. Toute l’attention est dirigée sur l’enfant, qui coupe les conversations et perturbe le sommeil. La qualité de la communication en pâtit dans quasiment tous les couples après la naissance des enfants.» La prise en charge de soi-même constitue une autre question épineuse selon la thérapeute. «Dans une relation, nous fonctionnons de manière optimale lorsque nous avons suffisamment de temps pour nous retrouver nous-mêmes. Malheureusement, peu de personnes le prennent. Je compare cette situation avec les masques à oxygène d’un avion: il faut d’abord placer le masque sur son visage avant de pouvoir aider les autres.»
Quelques conseils d’une spécialiste en thérapie de couple
Comment désamorcer des situations difficiles au quotidien
1. Pour qu’une relation puisse perdurer, il faut avoir du temps pour soi et avoir du temps pour son couple. Bien souvent, ce précepte n’est pas appliqué. Comment se faire violence et combattre sa mauvaise conscience?
«Ce n’est pas possible. Il faut prendre du temps pour soi malgré la mauvaise conscience. Car il est illusoire de croire que cette dernière va disparaître d’elle-même. Mieux vaut l’accepter et y faire face: plus on prend de temps pour soi, plus le sentiment d’avoir mauvaise conscience diminue. Mon conseil: dans votre agenda, réservez-vous du temps pour vous, des soirées et des discussions en tête-à-tête pour aborder les problèmes organisationnels et faites-en votre priorité. En d’autres termes: repoussez-les si c’est nécessaire, mais ne les annulez pas. C’est un signe d’estime envers votre partenaire et vous-même. Une fois les rendez-vous fixés, évitez de renégocier les dates chaque semaine. Cette approche peut sembler être aux antipodes du romantisme et engendrer davantage de stress, mais il est important de comprendre qu’à ce stade de la relation, il faut s’organiser davantage et que l’on ne peut pas toujours s’en remettre à la spontanéité. Il est difficile de mettre en place de nouveaux rituels. Mais une fois qu’ils fonctionnent, ils deviennent indispensables.»
2. Sommeil: le bébé a chassé mon conjoint du lit conjugal. Est-ce que faire chambre à part constitue le début de la fin?
«Non, dormir dans deux lits séparés peut sauver une relation. Bien dormir permet de rester en bonne santé et rend patient. Par ailleurs, la qualité de la relation ne dépend pas de la distance qui sépare le couple pendant la nuit. Inutile de souffrir, mieux vaut dormir. Mon conseil: faites chambre à part en semaine et dormez dans le même lit le week-end. Faites régulièrement une mise au point pour savoir s’il faut faire des ajustements.»
3. L’un des deux conjoints revient fatigué du travail tandis que l’autre se réjouit d’avoir une conversation d’adulte et souhaite être remercié pour les tâches ménagères et familiales qu’il a accomplies. Il est clair que la déception est programmée.
«C’est un grand classique! Mon conseil: faire comme de nombreux parents et mettre en place des garde-fous. L’un des deux a le droit de se retirer pendant une demi-heure une fois rentré à la maison pour se doucher, lire ou faire un jogging. Cela permet de désamorcer la situation. Il est également utile de faire part de son humeur par SMS avant de retrouver sa moitié: comment est-ce que je me sens? Suis-je stressé, de bonne humeur? Votre partenaire pourra se préparer et s’adapter en conséquence.»
4. L’éducation des enfants fait partie des sujets qui fâchent. Lorsque nous abordons cette question, la discussion devient bien souvent explosive.
«La plupart des couples doivent avancer sur ce terrain miné. Il faut avant tout vous demander pourquoi vous démarrez au quart de tour lorsque vous abordez ce sujet. Le facteur déclencheur vient très probablement de votre propre éducation. Les couples ont tendance à éviter les sujets qui fâchent – jusqu’à ce que la situation explose à nouveau. C’est le serpent qui se mord la queue. Mon conseil: prenez rendez-vous avec votre partenaire pour parler en toute tranquillité – et ne vous lancez pas dans une telle discussion si vous êtes tous les deux déjà énervés.
Ceci étant, vous avez tout à fait le droit d’avoir une opinion différente de celle de votre partenaire. Le principal, c’est d’avoir défini une marche à suivre. Cela ne pose aucun problème aux enfants si leur maman fait les choses différemment de leur papa. Il faut accepter le fait que chacun a son propre style d’éducation.»
5. J’avoue que les sujets abordés régulièrement par mon partenaire ne m’intéressent plus vraiment. Je le laisse parler et ne m’énerve plus.
«Lorsque l’on est épuisé, l’on a tendance à se renfermer et à s’isoler. À ce stade, il est important de refaire le plein d’énergie. En faisant par exemple chambre à part et en se réservant du temps rien que pour soi. Si les deux partenaires voient régulièrement des amis communs, les discussions seront plus nombreuses et intenses. Et cela peut faire des miracles d’aborder un «moment d’intimité» que vous avez réservé sur votre agenda avec votre partenaire comme votre tout premier rendez-vous. De cette manière, vous oubliez le quotidien et ses petits malheurs, ne pensez plus au travail, chacun s’apprête pour l’occasion. Vous pouvez également choisir une musique d’ambiance. Oublier de temps en temps son rôle de parents est très bénéfique.»
6. Nous n’avons pratiquement plus de temps pour notre sexualité et les câlins. Je commence à me faire du souci.
«Cela dépend si cela dure depuis six semaines ou six ans depuis la naissance des enfants. En règle générale, il faut environ une année pour que le couple retrouve une sexualité normale. Certaines femmes se sentent mal à l’aise dans leur corps ou souffrent de troubles liés à l’accouchement. Et de nombreuses mères rejettent cette intimité, car leur bébé leur demande déjà beaucoup d’attention. Il n’est pas rare que les femmes redécouvrent le plaisir de se rapprocher intimement de leur conjoint lorsqu’elles peuvent s’offrir du temps pour elles. Il est également difficile de passer instantanément d’un moment à un autre. Mon conseil: réservez-vous des moments pour le sexe dans votre agenda, même si vous êtes fatiguée. Car parfois, c’est bel et bien la situation qui provoque le désir. Par ailleurs, il peut être utile de faire garder ses enfants pendant une demi-journée. Vous aurez ainsi du temps pour vous et pourrez mieux vous préparer à votre petit moment à deux. Qui pourra être sexuel ou non.»
Vous voulez en savoir plus? Felizitas Ambauen propose toutes les deux semaines son podcast Beziehungskosmos sur les questions concernant le couple (seulement en allemand).
Cinq conseils de lecture de Felizitas Ambauen
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