«Certains organes vieillissent plus vite que d’autres»

Le médecin Nir Barzilai est une grande figure de la recherche sur la longévité. Dans cet entretien, il explique dans quelle mesure la clé de la longévité réside dans les gènes, comment nous pourrons bientôt vivre plus longtemps en meilleure forme et pourquoi notre santé est entre nos mains.

Texte: Laurina Waltersperger, illustration: Andreas Samuelsson

Le vieillissement est également une cause majeure d’accélération des maladies neurodégénératives. Là encore, des médicaments ciblés permettront à l’avenir d’améliorer la santé du cerveau. Je pense que les médicaments qui renforcent l’autophagie vont s’imposer. Il s’agit d’un processus qui se déroule dans nos cellules et qui nous aide à éliminer les déchets, notamment dans le cerveau. Parmi ces «déchets» figurent certaines protéines qui, à haute dose, peuvent provoquer la maladie d’Alzheimer. L’autophagie est en quelque sorte l’«éboueur» de notre organisme. Plus nous vieillissons, plus cette élimination fonctionne mal. Notre objectif est de mettre au point un médicament qui permettra à la «collecte des déchets» de faire son travail, même à un âge avancé. 

Cela semble prometteur. Prendrons-nous donc tous un jour des médicaments jusqu’à la fin de notre vie? 
L’idée n’est pas de se contenter d’une pilule, mais de nous prendre davantage en main pour «bien vieillir». Prenons l’exemple de la metformine. C’est un médicament que je prends contre le diabète de type 2. Des études ont montré qu’il peut également stopper les maladies liées à l’âge, telles que les troubles cardiovasculaires, et ralentir le processus de vieillissement. Mais à côté de cela, j’ai également changé rigoureusement mon alimentation. Je suis adepte du jeûne intermittent: je mange pendant un laps de temps de sept heures, puis je m’abstiens de manger pendant dix-sept heures.  

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les zones bleues du monde entier, où vivent le plus grand nombre de centenaires, pour s’en rendre compte: la longévité repose sur un mode de vie sain.  
Oui, mais même dans ces zones bleues, il y a aussi des raisons génétiques qui expliquent pourquoi les gens y vivent aussi vieux et restent longtemps en bonne santé. Un mode de vie sain demeure pourtant essentiel pour vieillir en bonne santé, car une majorité absolue de personnes n’a pas cette «chance génétique».  

En l’absence de «super gènes», il faut donc davantage se prendre en main. Que faites-vous pour vivre longtemps et en bonne santé? 
Je fais de l’exercice tous les jours. Deux fois par semaine, je m’entraîne avec un coach pour renforcer mon cœur, mes muscles et entretenir ma souplesse. Je veille à dormir huit heures par nuit. Les interactions sociales sont importantes. J’en ai suffisamment dans mon métier. En ce qui concerne l’alimentation, je mise, comme je l’ai dit, sur le jeûne intermittent. Il m’a permis de perdre du poids. Aujourd’hui, j’arrive à garder ma ligne et j’ai plus d’énergie pour m’entraîner. Et je n’ai plus de coups de barre en journée. Mais en matière d’alimentation, chacun doit trouver sa voie. Ce qui fonctionne pour moi ne fonctionnera pas forcément pour quelqu’un d’autre. Le régime méditerranéen est certainement à privilégier: peu de glucides, pas ou très peu de produits d’origine animale. Ces derniers sont considérés comme pro-inflammatoires et favorisent l’apparition de maladies.  

Ces mesures seront-elles encore nécessaires dans cinquante ans?  
En 2074, il est fort possible que nous recevions dès l’âge de 20 ans, probablement une fois par an, une injection de longévité qui ralentira notre processus de vieillissement. Ainsi, nous vivrons peut-être tous jusqu’à 115 ans. Nous, les humains, ne pourrons guère dépasser cet âge. Un mode de vie sain ne perdra, néanmoins, jamais de son importance. 

Nir Barzilai (68 ans) dirige le plus grand centre au monde de recherche sur le vieillissement et la longévité à l’Albert Einstein College of Medicine, à New York. Cet Israélien d’origine focalise ses recherches sur les facteurs génétiques de la longévité. Il mène depuis de nombreuses années des études avec des centenaires. Son hypothèse: ces personnes ont des gènes qui les protègent du vieillissement et des maladies qui y sont liées. Il veut intégrer ces différences génétiques dans une thérapie dont tous les individus pourraient bénéficier pour vivre longtemps et en bonne santé. Il décrit le fonctionnement de la longévité dans son livre «Age Later», paru en 2020. 

 

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