Comment le rappeur Stress transforme sa peur en force

Le rappeur Andres Andrekson, alias Stress, parle ouvertement d’anxiété, de thérapie et de la manière dont il est venu à bout d’un stress destructeur permanent.

Texte: Daniel Ryser

Images: Yves Bachmann

5 min

26.09.2025

Andres Andrekson, alias Stress, est le rappeur suisse le plus célèbre. Mais des années durant, un stress constant et destructeur l’a dominé, causé par le manque de stabilité et la violence subis durant son enfance. Aujourd’hui, il a appris à briser les cycles toxiques. Une discussion sur la peur, la pression et le moyen de trouver le calme intérieur.

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«À une époque, j’étais sponsorisé par une marque automobile. Je recevais des voitures mais, tôt ou tard, je cassais le volant à force de m’acharner dessus. J’avais des impulsions franchement agressives.»

Cette anecdote, Stress me l’a racontée en 2022, lorsque nous travaillions sur son autobiographie. La situation: Stress dans les bouchons. Selon sa thérapeute, il a souvent ressenti un sentiment d’impuissance et s’est senti sans défense au cours de sa vie. Des bouchons déclenchent ces sentiments, ce qui mène à une explosion. Grâce à la thérapie, Stress a appris à gérer ses émotions.

Pour l’artiste, ce stress constant a commencé dès l’enfance. Avec sa mère, il a fui l’Union soviétique, direction la Suisse. Son père était violent. Avant son premier concert, un ami l’a nommé «Stressant», ce qui a donné naissance à son nom de scène.

En 2023, l’émission «Unplugged» de MTV a célébré ses 20 ans de carrière. Son mariage avec Melanie Winiger a fait les choux gras de la presse à scandale et ses albums font partie intégrante de l’histoire de la musique suisse.

Dévoré par l’angoisse

«Je suis de nature intense. Je suis impatient. Je n’ai pas peur des mots. Cela peut stresser les autres», déclare-t-il. Il a dû tout d’abord apprendre à ne pas transmettre ce stress aux autres. Puis, réfléchir à ses origines, et à comment lâcher prise.

«Je pense que l’anxiété joue un rôle important. En tant que musicien, on vit dans le doute. Souvent, on ne sait pas comment on va pouvoir payer ses factures. Cette peur ne disparaît pas d’elle-même. Le tournant est venu quand j’ai pu me dire: J’ai fait tout ce chemin. J’ai confiance en moi et dans le processus.»

J’aborde le projet «Unplugged». Outre l’aspect scénique, Stress était coresponsable du financement. Il fallait trouver des sponsors. Des mois durant, la pression était constante. «On ne peut mener à bien de tels projets sans les autres. À certains moments, il faut savoir demander de l’aide. Et bien choisir avec qui travailler. Sinon, le stress reprend le dessus et on pète les plombs.»

Et qu’est-ce qui fait une bonne équipe? «Des gens qui ne disent pas tout le temps oui. Qui te mettent au défi et ne confirment pas juste ton avis. Qui font preuve d’honnêteté, même si cela fait mal.»

Gabriel Spahni, le bassiste du groupe Pegasus, est un partenaire solide du rappeur. Il a produit plusieurs albums et a participé à divers projets live comme «MTV Unplugged». «Si ton équipe pense que tout va bien, tu le crois toi aussi. La confiance dans le collectif est essentielle, surtout dans les situations de crise.»

Comment garder son calme quand on a peur de l’avenir?

«La peur peut te détruire peu à peu. Elle ressemble à la dépression. Si on ne l’identifie pas, elle peut avoir des conséquences existentielles. Depuis mon enfance, on m’a inculqué qu’il faut tout réussir. C’est ridicule! En tant qu’homme, il faut pouvoir s’avouer que l’on a peur. Et se faire aider quand cette peur devient chronique.»

La thérapie l’a changé. «J’ai appris que le stress n’était qu’une émotion. Et que je ne me résume pas à mes émotions. Je suis bien plus que ce que je ressens.»

Ce qui aide vraiment? «Respirer. Puise dans tes propres ressources. Respire de manière consciente, surtout dans les situations difficiles. Un jour, en Indonésie, j’étais en train de surfer d’énormes vagues. J’ai cru que j’allais mourir. Mon prof de surf m’a dit: ‘Respire.’ J’ai respiré. Et j’ai survécu.»

Stress avoue avoir du mal à faire confiance à sa voix intérieure. «On veut à tout prix qu’un morceau soit bon. Il ne faut pas se laisser emporter et laisser le temps agir. Or, il fait souvent défaut dans l’univers actuel de la musique. Nous vivons dans un monde qui va de plus en plus vite.»​

Nombre d’artistes ont l’impression de devoir produire sans cesse de la nouvelle musique. «Mais la bonne musique doit pouvoir se reposer. Après deux mois, on se demande: ‘Cette chanson est-elle toujours bonne?’ Souvent, elle ne l’est pas. ‘Ok‘ ne suffit pas.»

Le musicien ajoute que parfois, on sait immédiatement que le succès sera à la clé. Mais que sous la pression, on ajoute encore un ou deux morceaux au nouvel album et qu’on se demande ensuite pourquoi.

«Donc, il faut toujours prendre le temps de respirer. Cela aide bien plus que ce qu’il n’y paraît.»

Depuis un an, il prend dix minutes chaque soir: «Je remercie mon corps, la nature, les humains. Je suis alors vraiment dans le moment présent. Je me concentre sur ma respiration, j’ai confiance en moi et suis reconnaissant. C’est devenu un petit rituel, mais avec un grand effet.»

Il procède de la sorte avant chaque concert, et cela fonctionne. «Prendre le temps de respirer, développer la conscience du moment. Cela permet de ne pas se mettre soi-même des bâtons dans les roues. À ne plus avoir peur. Et à vraiment développer son potentiel.»

Une fois par an, le rappeur part surfer ou marcher. «Stress n’existe alors plus. Il n’y a plus qu’Andres. Cette pause m’évite de devenir unidimensionnel. Nous avons tous plusieurs personnes en nous: l’enfant, l’adolescent, l’adulte, qui ont tous besoin d’espace. Or, nous avons tendance à l’oublier, car nous sommes tellement stressés.»