Il ne faut pas diaboliser le stress!
Le stress a-t-il toujours existé? En quoi a-t-il changé? Que nous apporte un cours de gestion du stress? Un entretien avec le professeur Ulrike Ehlert, de l’Université de Zurich, nous apporte des réponses aux questions les plus fréquentes.
En quoi le stress ressenti devant un auditoire de 300 personnes se
différencie-t-il de celui éprouvé lorsque son enfant fait un caprice à
la caisse du supermarché?
De manière générale, le stress est quelque chose de très individuel. Ce qui stresse telle personne ne sera pas forcément un facteur de stress pour une autre. Mais peu importe que ce soit un enfant qui crie ou que l’on ait le trac, la réponse biologique de l’organisme reste invariablement la même: le corps libère de la noradrénaline et de l’adrénaline, deux neurotransmetteurs, et du cortisol, une hormone du stress, la respiration et le rythme cardiaque s’accélèrent. Cette réaction peut être plus violente chez certaines personnes que d’autres. Cela dépendra de facteurs génétiques ou des influences de notre environnement, telles que notre éducation.
À quoi reconnaît-on un surmenage persistant?
Il existe deux signes qui ne trompent pas: un mauvais sommeil et l’irritabilité. La première chose à faire est de les prendre au sérieux afin d’éviter des conséquences telles que burn-out, dépression, maladies cardio-vasculaires ou tensions musculaires.
À partir de quand devrait-on rechercher de l’aide? Et à qui s'adresser?
En principe, notre corps a ses propres armes pour évacuer le stress. Mais s’il devient omniprésent et que nous n’arrivons plus à gérer la situation, si nos collègues de travail ou nos proches se font du souci, alors il est temps de consulter quelqu’un. Il peut s’agir dans un premier temps du médecin de famille qui nous connaît bien et qui nous adressera à un psychothérapeute s’il le juge nécessaire.
Peut-on entraîner sa résilience?
J’en suis convaincue! Plus vite on arrive à laisser derrière soi une humeur négative et à retrouver son optimisme, mieux on arrive à surmonter le stress. Les psychologues parlent de régulation hédoniste des émotions. Chacun peut l’apprendre.
Il suffit de positiver?
Être optimiste aide déjà beaucoup. Si vous rencontrez une situation difficile, remémorez-vous une expérience positive ou une situation bien gérée! Faites la part des choses. Demandez-vous en quoi la situation stressante représente un danger pour vous et autrui. Met-elle en péril le bien-être de mes enfants ou de mon partenaire? Ou menace-t-elle mon travail? Il est permis d’en douter. Vous pouvez donc vous détendre et aborder les choses avec sérénité. Acceptez le fait que personne n’est toujours performant à 100%. Cela aide.
«Remémorez-vous une expérience positive ou une situation bien gérée! et faites la part des choses.»
Nombreux sont ceux qui essaient d’évacuer le stress en faisant du yoga ou des exercices de prise de conscience.
Ces techniques permettent d’influencer positivement la réaction de notre organisme vis-à-vis du stress. Si l’on inspire et expire profondément, on signale au cerveau: j’ai le temps de respirer calmement. L’organisme libère alors moins d’hormones de stress et les muscles se détendent. Relaxation progressive ou entraînement autogène, quelle que soit la méthode, elle ne fonctionnera que si l’on s’exerce régulièrement.
La méthode idéale existe-t-elle?
Oui, celle qui vous convient le mieux et qui vous procure du plaisir! Cela peut être du jardinage ou cuisiner entre amis. À chacun de trouver sa méthode antistress. Les études ont montré que le sport, une alimentation saine ou suffisamment de sommeil permettent notamment de mieux faire face au stress.
Une vie sans stress est-elle souhaitable?
Bien sûr que non. Il ne faut pas diaboliser le stress. C’est un booster naturel qui, à petite dose, peut pimenter le quotidien! Si l’on était toujours détendu, ce serait triste et ennuyeux. Je pense que l’absence totale de stress finirait par nous stresser.
Madame Ehlert, en tant que chercheuse, vous avez certainement déjà trouvé depuis longtemps votre propre recette contre le stress.
Pas du tout. Je me laisse souvent stresser! Par exemple, lorsque mon emploi du temps est perturbé par un imprévu. Ou quand j’ai plusieurs tâches à effectuer en parallèle.
Et comment arrivez-vous à vous détendre?
En cuisinant un bon repas avec mon partenaire, le soir, et en discutant ensemble.
Nous vivons à un rythme de plus en plus effréné, en partie aussi à cause du numérique. Est-ce la raison pour laquelle notre génération souffre plus du stress que nos aînés?
Je pense que non. Le stress a toujours existé, il était simplement différent.Depuis quelques années, de plus en plus de personnes trouvent leur vie professionnelle quotidienne stressante. Mais fut un temps où les femmes avaient souvent un enfant après l’autre, voyaient leurs enfants mourir et avaient de grandes maisonnées à gérer. Les hommes, quant à eux, exerçaient souvent des travaux physiques pénibles.
«Le stress a toujours existé, il est simplement différent.»
Qu’est-ce qui caractérise alors le stress moderne?
Nous accomplissons les tâches plus rapidement et devons toujours être disponibles. Nous voulons le succès, la reconnaissance et la jeunesse, même à un âge avancé, et le stress fait partie d’un certain style de vie. Si je peux tout prendre calmement, c’est que je ne suis pas très demandée, que je suis insignifiante.
Comment être plus relax quand les piles de dossiers s’amoncellent sur le bureau? Vous devez d’abord déterminer ce qui est important pour vous.
... Ce qui est important dans la vie?
Non! Ce qui aujourd’hui est important pour vous. Si, par exemple, j’ai une réunion dont dépend le travail de cinq collaborateurs, je dois y accorder toute mon attention. Si je rate quelque chose, cela peut avoir des répercussions à long terme. Mais acheter la mauvaise marque de pâtes au supermarché, cela n’a aucune importance. Cela vaut donc la peine de fixer correctement les priorités et de planifier en conséquence.
Vous dites que souvent nous n’abordons pas les problèmes de la bonne manière.
Oui, c’est juste. Beaucoup d’entre nous ont du mal à définir les problèmes et de trouver la solution appropriée. Quand nous sommes stressés, nous cessons de raisonner! Nous ne pensons plus de manière ciblée. Commencez par définir votre problème en deux, trois phrases. Ensuite, fixez-vous un objectif clair avec plusieurs solutions envisageables et au cours d’une étape ultérieure, réfléchissez à celle qui sera réalisable et à ses conséquences. Une fois ces étapes franchies, vous décidez de la solution à appliquer (et uniquement celle-là). Vous saurez ensuite si cela a fonctionné. Cette méthode permet d’éviter beaucoup de stress au quotidien.
«Beaucoup d’entre nous ont du mal à définir les problèmes et à trouver la solution appropriée. Quand nous sommes stressés, nous cessons de raisonner! Nous ne pensons plus de manière ciblée.»
Les cours de gestion du stress fonctionnent-ils?
Tout à fait. En général, ce genre de cours poursuit trois objectifs: devenir moins perfectionniste et évaluer correctement les implications, résoudre systématiquement les problèmes et être capable de positiver dans des situations stressantes.
Professeur - Ulrike Ehlert
Ulrike Ehlert est professeur de psychologie
clinique et de psychothérapie à l’Université de Zurich.